À Washington, l'art coranique s'expose contre l'islamophobie

Le Coran manuscrit de l'Ile de Java, 19e siècle AD / 13e siècle AH, conservé au Musée des arts islamiques de Malaisie, Kuala Lumpur, 2012
Le musée d'art asiatique de Washington présente ce samedi 22 octobre la première exposition majeure dédiée au texte sacré aux États-Unis. Elle intervient dans un contexte marqué par les propos stigmatisants tenus par Donald Trump, candidat à la présidentielle américaine, à l'encontre des musulmans.
Plus de soixante Coran ou textes coraniques, rédigés du VIIe au XVIIe siècles et considérés comme des œuvres d'art pour la finesse de leurs calligraphies, composent l'exposition «L'art du Coran», qui s'étale jusqu'au 20 février 2017 au musée Freer Sackler, en plein cœur de la capitale américaine.
L'événement intervient à deux semaines de la présidentielle américaine, après une campagne émaillée de déclarations stigmatisantes du républicain Donald Trump : celui-ci a plusieurs fois menacé en effet d'interdire aux musulmans d'entrer aux États-Unis.

Le basculement de l'oralité au texte

Les livres saints majestueux exposés ont autrefois été manuscrits pour les plus riches et puissants dirigeants du monde musulman. La plupart d'entre eux -47 sur 63- ont été confiés au Freer Sackler par un seul musée: celui des arts turcs et islamiques d'Istanbul. Le reste appartenant déjà à la collection du musée américain. L'exposition, qui tient dans une salle intimiste, a pour but de raconter le basculement de la tradition de transmission orale du Coran vers un texte fixe, qui s'est opéré à la fin du VIIe siècle.

Une approche avant tout artistique

Si le message coranique est effleuré par petites touches, «nous sommes d'abord un musée d'art», a rappelé à l'AFP Simon Retting, commissaire adjoint de l'exposition, lors d'une présentation à la presse jeudi 20 octobre. «L'angle d'approche est davantage une présentation de la manière dont le Coran a pris la forme d'un livre et comment les arts de la calligraphie et de l'enluminure se sont développés autour du livre».
«Nous voulions vraiment montrer la variété des manuscrits», poursuit Massumeh Farhad, commissaire, précisant que les Corans viennent de tout le monde musulman, de l'Irak à l'Afghanistan en passant par la Turquie.
À l'image de celui calligraphié sur du parchemin, originaire d'Irak ou d'Iran entre la fin du VIIIe et le début du IXe siècle. Ou encore d'un imposant Coran de près d'un mètre sur deux, daté de 1599 à Shiraz en Iran, écrit à l'encre de couleur et incrusté de lettres d'or.
«Aujourd'hui quand vous regardez des Coran, ils se ressemblent tous, une copie imprimée de taille standard. Ce qui est remarquable ici c'est la taille, l'échelle, l'écriture. Surtout quand on pense que le Coran est le même texte copié encore, encore et encore», ce qui complique le processus créatif, explique-t-elle à l'AFP. Le projet, vieux de six ans et repoussé en raison de travaux, devait initialement aboutir en 2014, rappellent les responsables du musée.

«Construire des ponts»

«Maintenant, il est vrai que l'exposition ouvre au moment de l'élection, avec une forte polarisation du discours public autour de l'islam», concède Simon Retting. «Notre mission étant de promouvoir et diffuser la connaissance, elle ouvre à un moment opportun pour permettre au public américain d'avoir une autre image de l'islam». Elle représente également «une formidable opportunité de dialogue entre les cultures» et une occasion de «construire des ponts», a-t-il ajouté.
Plusieurs centaines de milliers de personnes, dont «beaucoup en savent très peu sur le monde musulman», «vont venir voir cette exposition pour découvrir son art et sa culture», a pour sa part expliqué Richard Kurin, responsable de la Smithsonian, institution qui gère la plupart des musées de Washington.
«À ce moment de l'histoire dans notre pays, il est si important que nous fassions cela, pour que le savoir l'emporte sur l'ignorance», a-t-il lancé dans une référence à peine masquée aux diatribes du milliardaire. Les tensions et l'incompréhension suscitées par l'islam gagnent du terrain aux États-Unis, a poursuivi Richard Kurin. «Si nous arrivons à combler ce fossé grâce à notre musée», a-t-il conclu, «nous aurons fait notre travail».
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